Journée des Zones Humides

L’importance écosystémique des zones humides découle des milliers d’espèces animales et végétales qui s’y abritent, créant autant de « hotspots » de biodiversité irremplaçables, qui constituent une véritable richesse pour les Outre-mer.

Les mangroves sont de fantastiques réservoirs à biodiversité. Cette diversité s’observe à grande échelle (oiseaux, mammifères, crustacés…) mais aussi au milieu des racines aquatiques des palétuviers, avec une formidable diversité de crustacés, poissons cnidaires, et même de remarquables communautés microbiennes (2).

Essentielles pour l’humanité, les mangroves doivent impérativement être préservées et restaurées. Elles procurent en effet des bénéfices immenses aux populations côtières : sécurité alimentaire, barrières efficaces contre les assauts de l’Océan, amplifiés par le dérèglement climatique, stockage du gaz carbonique… (1) Par conséquent, les activités humaines ne peuvent s’y développer qu’en tenant constamment compte de la grande fragilité des milieux concernés.

En effet, les zones humides font tampon entre l’Océan et l’intérieur de la bande côtière, où la densité humaine est souvent très forte : vastes étendues très perméables, les mangroves absorbent une grande partie des effets des grands incidents climatiques. La bonne santé écologique de ces écosystèmes est donc précieuse, car elle leur permet de jouer pleinement leur rôle protecteur.

Enfin, comme toutes les forêts, celles des zones humides piègent le dioxyde de carbone. Les mangroves jouent un rôle majeur dans le stockage du carbone présent dans l’atmosphère. Ces dernières années, la déforestation des mangroves est massive et s’accélère. Leur disparition progressive a donc des conséquences réelles en termes de dérèglement climatique (3).

Les mangroves sont mises en péril par les activités humaines (déforestation, surexploitation des ressources, pollution, urbanisation…). Ainsi, les forêts des zones humides sont détruites plus rapidement que celle de l’Amazonie et leurs marais sont asséchés à grande vitesse. Les conséquences concrètes sont terribles : tarissement des ressources vivrières traditionnelles, hausse de l’impact des accidents climatiques pour les communautés humaines limitrophes, sans compter les risques de crise sanitaire, conséquences de l’interpénétration abusive des activités humaines et des écosystèmes naturels.

Au cours du dernier siècle, plus de la moitié des milieux humides a été détruite. Ce qui reste est aujourd’hui menacé par l’urbanisation, l’intensification de l’exploitation agricole et de la pisciculture, ou encore des pollutions anthropiques… (4)

Chaque année, la Journée mondiale des zones humides (JMZH) est célébrée le 2 février pour sensibiliser le public aux enjeux environnementaux de ces milieux trop souvent méconnus.

L’Aquarium de Paris développe ses activités autour de trois impératifs : conservation, recherche et pédagogie. En proposant à ses visiteurs d’observer des bassins de mangrove, l’Aquarium de Paris sensibilise le public à ce milieu méconnu et fragilisé. Mieux connaître un écosystème, c’est faire un premier pas pour le protéger. Méduses, hippocampes, coraux : l’Aquarium de Paris conserve une importante collection et la présente au public avec des conditions idéales.

instagram : Melanie_herteman

L’Aquarium de Paris a eu la chance d’accueillir une des plus grandes spécialistes internationales des mangroves lors d’ un live Instagram : Mme Mélanie Herteman. Vous pouvez revivre ce moment en cliquant ici : https://www.instagram.com/tv/CKy32dxiIIB/?igshid=ag9uowu82idg

Mélanie Herteman est une écologue généraliste, spécialiste des zones humides, des mangroves et de la gestion des milieux aquatiques.  Experte UICN et membre du CNRS, elle fait autorité dans le milieu des zones humide. Elle vit en Martinique mais garde un lien étroit avec l’université Paul Sabatier de Toulouse.
Vous pouvez écouter son interview radio en cliquant ici : http://medias2.francetv.fr/videosread/rfo/mp3/martinique/saoukadi/saoukadi_melanie_herteman_2021-02-02.mp3

Pour cette Journée Mondiale des Zones Humides 2022, elle nous fait l’honneur de nous accorder une courte interview pour en savoir plus sur sa passion : les mangroves !

Mélanie Herteman bonjour,
Bonjour

En quelques mots pouvez-vous nous présenter votre métier et les organismes pour lesquels vous travaillez ?
Je suis Ecologue, spécialiste des mangroves et des zones humides. Je réalise des études scientifiques de suivi ou de diagnostics pour les organismes publics (Agence ou Office de l’eau, Conservatoire du Littoral, Parc Naturel, ONF..) , L’Etat ou l’Europe. Je travaille souvent en équipe avec d’autres scientifiques (Universitaire, CNRS, IFREMER..) ou spécialistes (experts, bureau d’études). J’accompagne aussi les collectivités publiques (Communauté d’agglomération, Communes) dans l’aménagement du territoire durable (préservation de la biodiversité et des trames vertes et bleues).

Quand avez-vous connu les mangroves et comment vous êtes-vous passionnée pour elles ?
Originaire des Pyrénées Garonnaises, j’étais déjà très attirée par les milieux naturels et les ripisylves (ce sont les forêts de bord de cours d’eau). Mais c’est au cours d’un voyage initiatique et personnel au Costa Rica à l’âge de 18 ans que j’ai pu observer les premières forêts tropicales et les mangroves. Surprise par le graphisme, la sonorité et l’intensité qui se dégageaient de cette forêt aux pieds dans l’eau, j’ai compris sur le champ que c’est cet écosystème que je voulais explorer dans le monde entier. J’ai donc orienté toutes mes études depuis le DEUG jusqu’à ma thèse en dédiant chacun des stages et mémoires universitaires sur ce sujet. Aujourd’hui après 20 ans d’observation, l’émotion reste intacte et ma passion a encore grandit.

En quoi les mangroves et autres zones humides sont importantes pour l’environnement ?
Les mangroves font parties de la grande famille des zones humides. Il existe un grand nombre de différentes zones humides à travers le monde : les mares, les marécages, les tourbières, les vasières, les ripisylves, les sansouïres, les deltas… Mais toutes ont un rôle capital dans l’équilibre fonctionnel de l’environnement par les nombreux rôles qu’elles jouent : habitats pour la biodiversité, filtre améliorant la qualité de l’eau, régulateur hydrologique luttant tantôt contre la sécheresse, tantôt contre les inondations, barrière de protection des côtes pour les mangroves, rôles de nurseries en protégeant les larves et alevins, véritable puits de carbone … La vie nait dans l’eau et a besoin d’eau. Sans zone humide, c’est l’équilibre mondial écologique qui est directement menacé.

instagram : Melanie_herteman

Quelles menaces planent sur les mangroves ?
En 50 ans, il est vrai que 50% des zones humides ont disparu. Les menaces principales sont le défrichement et l’artificialisation pour la construction, les modifications hydrologiques sur les bassins versant, les pollutions qui ruissellent sur les terres (apportant des pesticides, des engrais, des métaux lourd ou autres antibiotiques), les écoulements non maitrisés des eaux usées domestiques et industrielles, la surexploitation de ces milieux pour la crevetticulture par exemple.

Que vous inspire la Journée Mondiale des Zones Humides ?
La Journée Mondiale des Zones Humides est l’occasion chaque année d’avoir plus de visibilité pour rappeler combien il est important de s’intéresser à ces écosystèmes naturels. C’est l’occasion pour les professionnels (scientifiques, experts, animateurs, gestionnaires, militants etc..) de parler au grand public en les invitant à participer à des sorties pour aller les observer près de chez eux s’ils le peuvent. Mais c’est aussi l’occasion de s’adresser aux pouvoirs publics et aux élus en place avec force pour rappeler l’urgence de l’action pour leur préservation. Le fait qu’il s’agissent d’une date mondiale montre aussi que tous les humains de la terre sont concernés par la préservation de ses milieux.

Que pensez-vous du fait qu’un aquarium présente à ses visiteurs un écosystème reproduisant la mangrove ?
Les aquariums sont des outils de sensibilisations importants et majeurs. Leur existence rapproche les citadins des milieux naturels, ouvrent la possibilité de pouvoir sensibiliser le grand public et les scolaires à des mondes auxquels ils n’ont pas forcément accès. Ainsi, que les mangroves soient représentées et reconstruit à l’Aquarium de Paris est une véritable opportunité pour montrer leur existence, leur fonctionnement et la biodiversité de cet écosystème, encore peu connu du grand public. Je trouve que c’est une très bonne chose de pouvoir rendre accessible ces milieux tropicaux au gens n’ayant pas l’occasion de pouvoir s’y rendre.

Quels conseils donneriez-vous aux particuliers pour protéger la mangrove ?
Pour les gens qui habitent en zone tropicale, il est tout à fait primordial de revoir l’utilisation des produits que l’on utilise et qui se retrouvent le plus souvent dans le milieux aquatiques et les mangroves : éviter la crème solaire, les démêlants et shampoings en milieux naturels et même à la maison (les systèmes d’assainissement étant souvent défaillant) et favoriser les savons dur. Mais les gens qui vivent ailleurs peuvent aussi agir en étant attentifs à leur consommations (par exemple en évitant de consommer des crevettes provenant de pays ou la crevetticulture n’est pas réglementée) ou en s’engageant dans des actions de restauration de mangrove (bénévolat ou dons).

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Avez-vous un souvenir en particulier, en lien avec les mangroves, qui vous vienne en tête ?
(tellement…) J’ai été particulièrement marqué par la « visite » des mangroves au Sri Lanka ou les stigmates après la catastrophe du Tusamni étaient toujours visibles.

Une bonne nouvelle concernant les mangroves ?
Mmmh je réfléchie. La seule bonne nouvelle c’est qu’il y a une prise conscience pour la préservation de cet écosystème de plus en plus grande. Les projets de restauration ou de replantation dans le monde se multiplient. Les gens montent de plus en plus de projets en ce sens et cela partout dans le monde, de la Casamance à l’Asie, et des Caraïbes à l’Océan Indien. Ça c’est une bonne nouvelle, et ça encourage à continuer.

Si vous pouviez vous adresser à tous les jeunes enfants de la planète concernant les mangroves : que diriez-vous ?
Je leur dirais : « Parler de toute urgence à vos parents et aux adultes qui dirigent ce monde en leur expliquant que la solution ne vient pas de vous dans 30 ans mais d’eux maintenant ! Soyez convainquant et ne lâcher rien ! »

Pour retrouver plus d’informations sur les zones humides, rendez-vous sur la page : http://www.zones-humides.org/

Envie d’en savoir plus sur la journée mondiale des zones humides ?

http://www.zones-humides.org/agir/ramsar-et-la-journee-mondiale-des-zones-humides

Pour plus d’informations concernant la mangrove de l’Aquarium de Paris : https://www.aquariumdeparis.com/mangrove/

Crédit : illustrations Gardoush
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– (1)
https://www.nature.com/articles/s41598-018-31683-0
Carugati, L., Gatto, B., Rastelli, E. et al. Impact of mangrove forests degradation on biodiversity and ecosystem functioning. Sci Rep 8, 13298 (2018).
– https://twitter.com/AquaParis_off/status/1240926053004165120Menéndez, P., Losada, I.J., Torres-Ortega, S. et al. The Global Flood ProtectionBenefits of Mangroves. Sci Rep 10, 4404 (2020).
– https://twitter.com/AquaParis_off/status/1304026838675587072
Worthington, T.A., zu Ermgassen, P.S.E., Friess, D.A. et al. A global biophysical
typology of mangroves and its relevance for ecosystem structure and
deforestation. Sci Rep 10, 14652 (2020).

– (2)
https://www.nature.com/articles/s41522-020-00164-6
Zhuang, W., Yu, X., Hu, R. et al. Diversity, function and assembly of mangrove root-associated microbial communities at a continuous fine-scale. npj Biofilms
Microbiomes 6, 52 (2020).

– (3)
https://www.nature.com/articles/s41558-018-0090-4
Hamilton, SE, Friess, DA Stocks mondiaux de carbone et émissions potentielles dues à la déforestation des mangroves de 2000 à 2012. Nature Clim Change 8, 240–244 (2018).
– https://www.nature.com/articles/nclimate3326
Atwood, T., Connolly, R., Almahasheer, H. et al. Global patterns in mangrove soil carbon stocks and losses. Nature Clim Change 7, 523–528 (2017).
– https://www.nature.com/articles/s41598-017-01224-2
Krauss, K.W., Cormier, N., Osland, M.J. et al. Created mangrove wetlands store belowground carbon and surface elevation change enables them to adjust to sea-level rise. Sci Rep 7, 1030 (2017).
– https://www.nature.com/articles/s41598-019-54893-6
Elwin, A., Bukoski, JJ, Jintana, V. et al. Preservation and recovery of mangrove ecosystem carbon stocks in abandoned shrimp ponds Sci Rep 9, 18275 (2019).

– (4)

https://twitter.com/AquaParis_off/status/1336294457893924864

Brooker, R.M., Seyfferth, A.L., Hunter, A. et al. Human proximity suppresses fish recruitment by altering mangrove-associated odour cues. Sci Rep 10, 21091 (2020).
– https://twitter.com/AquaParis_off/status/1304026838675587072
Worthington, T.A., zu Ermgassen, P.S.E., Friess, D.A. et al. A global biophysical typology of mangroves and its relevance for ecosystem structure and deforestation. Sci Rep 10, 14652 (2020).

– (5)

https://twitter.com/AquaParis_off/status/1247516668185792512

Mulot Rachel, Biomimétisme : une mangrove artificielle pour dessaler l’eau de mer, Sciences et Avenir / Mers et Océans 23.03 (2020)